Une étoile pour lamparo

Publié le par Gévaudan

   C'est dans la plus ancienne des légendes populaires que François Rabelais puisa son inspiration pour composer son immortel chef-d'oeuvre Gargantua.
Semant les montagnes, détournant les vallées à sa guise, Gargantua, selon la tradition locale, visita nos contrées. Et sa légende court encore au long de la vallée du Tarn et dans la haute-vallée de l'Allier.

...A l'Esquino d'Ase. "Curant ses sabots Gargantua laissa tomber les détritus qu'ils contenaient et qui vinrent former " l'Es quino d'Ase", commune des Bondons, arête rocheuse - Echine d'Âne - composée de deux mamelons isolés l'un de l'autre, surplombant les montagnes d'alentour de plus de 300 mètres...
Cord et Viré, "La Lozère, Causses, Gorges du Tarn", Paris, Masson, 1900

...A Grizac. "Gargantua venant des Causses posa l'un de ses pieds, chaussés de sabots, sur le tertre qui domine Grizac- commune du Pont-de-Montvert - et l'autre sur un sommet qui, à 5 km de là, s'élève près du village de Ventajols aux environs de Florac.
Le géant qui portait la fameuse pierre plantée - le menhir de Grizac - s'en débarrassa en la rejetant avec force dans le sol où elle se ficha, et où elle devait servir de repère pour ses futurs exploits. Ce repère est actuellement utilisé par les voyageurs pour suivre leur route durant les périodes de neige".

"Le sol du pays de Grizac est granitique mais comporte par places des îlots de calcaire, dans lesquels les habitants de Grizac cultivent des lentilles renommées. Ces dépôts sont dus à Gargantua qui, en traversant le pays, a laissé dans les empreintes de ses pas la terre calcaire dont ses sabots s'étaient chargés en passant sur le Causse.
Saintyves, "Corpus du folklore préhistorique" et Louis & Lapierre, "La pierre plantée de Grizac".

... A Bédouès
"
Emb'un faguet Chaumeto, en l'altre l'Empesou
En dous faisses faguet e la Cha e lous Chausses
A Louzero pourtet dech ou doutge bouos faisses...
Un jour qu'abio bien set, en dabalen den nal
Un pe soubre Chaumeto et l'altre al Picheyral
Bers lou Tam si courbet per beurre une gloupado,
De rounzes, de bouissous, une miolo cargado
Gasabo l'aigo abal quond Iou Géant benget :
Sons se douta de res tout bous endabalet,
La miolo, Ious bouissous, lou bas, aimai la cordo :
- M'es abis, sous diguet, qu'ai begut une buordo.

C. Turc, dans "Armanac de Louzero", 1899, p. 41-42

. ...Dans les Gorges du Tarn. "Gargantua vint par Florac et se plaignit de n 'avoir pas trouvé dans les Cévennes une pierre pour jeter à un chien... Arrivé à Molines, le massif de Rocheblave lui fit plaisir, il se dérida, jeta un regard de satisfaction sur les longues et sveltes colonnettes qui se détachent de la roche, choisit la plus belle... la détacha du sol par une pression du pouce sur le collet, la prit dans la main par le gros bout et en traça dans l'air deux ou trois fois le moulinet pour s'assurer des bonnes conditions de son arme : "

Un peu courte et un peu légère, voyons si ça tient". Et comme l'on fait d'une lame de Damas dont on veut éprouver la trempe, il l'appuya de la pointe sur le sol et pressa... Au lieu de fléchir, comme l'acier, le monolithe rigide pénétra dans le sol, s'enfonça dans la montagne... Quand il le retira victorieux de l'épreuve, il y avait à la place une belle caverne qu'on appelle aujourd'hui la "Grotte de Rocheblave"...

Arrivé à' Sainte Enimie, c'était pour Gargantua le bout du monde il ne pouvait faire un pas sans heurter quelque arête des épaules ou de la tête. "Sortons de ce trou", dit le géant .. et prestement par un mouvement allongé de bas en haut il passa une jambe il par dessus la corniche de la Beaume et se trouva sur le Causse de Sauveterre".

Éveillés en sursaut... par cet insolite lever de soleil "cailles, perdreaux, bécasses, lièvres et lapins détalent au plus vite" "Dormez en paix.... ce n'est pas de vous qu'il s'agit, c'est aujourd'hui vendredi...
Tenez-vous bien messieurs les poissons !" et vite un pied sur Cauvel, l'autre sur la Bourgarié, le pêcheur se baisse sur ses genoux les accote solidement l'un au Concabre, l'autre au-dessous de Ventajou

Le sol garde encore la double empreinte de cette génuflexion et les ravins de la Mine et de Dolan n'ont pas d'autre origine - Le géant se penche alors horizontalement sur l'abîme et s'arc-boute de la main gauche au Piton de Montcamp.. projette son torse en avant... et de sa main restée libre farfouille activement dans les profondeurs de la rivière"

Du promontoire du Pin.. il eut en perspective Pougnadoire, le passage de l'Escalette, le château de la Caze et mit en note sur son carnet de voyage "Si le châtelain avait fait sa maison pour les hommes et non pour des fourmis, je lui pousserais une visite"..

.. A Cauquenas il voulut donner un coup d'oeil à La Malène, se pencha par-dessus les Gorges pour regarder et ne vit rien ; du bout de son bâton il creusa une rigole qui est le ravin du Mazel pour ouvrir un passage à la vue, il n'y vit pas davantage : les maisons apeurées étaient blotties sous les rochers..."

.. Au Point-Sublime, près de Marouch, il tomba en extase...

"Quand il fut arrivé à Saint-Rome... il faisait nuit et il avait faim...D'une enjàmbée il franchit la vallée et se trouve au Viala ; en deux pas, il est au Mas-Buisson. Debout sur la cîme, il se hisse sur la pointe des pieds, s'étire et s'allonge, tend le bras dans le vide au-dessus de sa tête et finit par décrocher une étoile, la pique au bout de son bâton - depuis : Roc-Aiguille - "et la pose en guise de chandelier au Pas-de-Souci"..

D'abord il s'y prit mal... Les roches détachées de leur base par la pression, roulaient en meutes désordonnées sur les pentes et formaient, au point qu'on a appelé depuis le Pas-de-Souci, d'énormes entassements".

D'autres vous diront peut-être qu'il le fit à dessein pour former un barrage * Il fallait s'y prendre d'autre sorte...
A un moment sous le choc des rochers qui roulaient des hauteurs, Roc-Aiguille eut des nutations peu tranquillisantes, et la flamme de son sommet oscillait comme une chandelle sous le vent...

                                                                                                               * Cord et Viré, op. cit., p. 140.

Le pêcheur ingénieux, délicatement...  parmi les roches voisines, prend la plus compacte (on l'a appelée depuis Roche-Sourde), la pose avec précaution au pied de son phare pour en consolider les bases... et procède dans les formes à la pêche au flambeau (on dirait aujourd'hui à la luminade).

D'un premier mouvement, il allonge le bras du côté de La Croze, des Destrechs à l'Escaliou, balaie de la main le fond de la rivière, et de ses doigts, comme d'un rateau, ramène gravier et rochers, cailloux et poissons jusqu'en deçà du Dougaou. Entre cette borne et le massif d'en face, il glisse un fort pavé qu'il pose de champ... Le cours de la rivière fut arrêté;; au-dessus, les eaux refluèrent vers La Malène ; au dessus, le lit du Tam fut à sec... De tout le menu fretin, Gargantua prit, dans le creux de sa main, trois on quatre fois trois ou quatre quintaux, seulement pour y goûter et s'en passer l'envie. Puis, sans rien dédaigner, il prit tout, rafla tout... Il fit tant et si bien que plusieurs espèces furent complètement exterminées... Quand il avait fait une prise, il se redressait à demi... et rejetait sa capture... dans la grande conque de Con d'Orribats.

Extrait de :

Benjamin Bardy
Les légendes du Gévaudan

cinquième
édition
En vente chez l'auteur :

LE RANCE 
48000   MENDE

http://causses-cevennes.com/histoire/legendes.htm#debut

Publié dans Légendes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article